vendredi 30 avril 2010

Dans la verte et profonde forêt...

Il arrive un temps où l'on se regarde en face, mon oncle et où l'on a envie d'apprendre à se connaître.
Depuis quelques jours, je sens un changement en moi. Comment te décrire de la manière la plus précise ce qui m'arrive ?
Imagine des fourmillements dans les bras, les genoux, les mains, parfois sur les flancs. Imagine des petits cristaux charriés par mon sang, la matérialisation de mon pouvoir. Imagine parfois la douleur lorsque les cristaux emportent avec eux toutes les mauvaises énergies pour me purifier.
Imagine aussi comment mes mains chauffent, brûlent ou deviennent parfois gelées lorsque je concentre l'énergie de ces cristaux pour soigner ou pourfendre ceux qui sont marqués par le mal.
Les derniers jours n'ont pas été tristes, mon oncle.
Nous avons rencontrés une créature des bois, une sorte de pixie, je crois, qui nous a aidé à nous débarrassé de nouveaux agresseurs (dont des satyres, ce qui a permis à Rayan, une fois ces derniers défaits de pouvoir récupérer une flute de Pan).
Nous avons évité de tuer un ours sanguinaire.
Nous avons été emmené devant un conseil de druides qui nous ont narré leurs inquiétudes en ce qui concerne le camp elfe. Les choses débordent vraiment et le coeur des elfes a réellement été corrompu par le mal. La nature de ce mal m'est pour l'instant inconnue, mais je ne doute pas que quelques sombres espions du malin aient su travailler de l'intérieur pour transformer les elfes et dessécher leur âme.
Il y avait parmi le conseil un des gens des Sang-de-Lune. Il m'a dit à quel point la nature de l'Ours pouvait être en chaque membre du clan.
Et nous avons décidé de nous reposer un peu.
Pendant le séjour, chez les druide, cela dit, mon oncle, mes objectifs sont assez variés :
- En apprendre plus sur ce que c'est de venir des bois (à l'origine, si tu te souviens bien, je me tâtais à suivre quatre voies : moine, paladin, druide et mage). Je n'ai vraiment pas la sensation d'être une créature des bois, vois-tu. La seule chose qui me connecte à l'univers des druides, c'est l'ours en moi. Et je me demande si c'est bien juste, si on ne m'a pas volé le rapport que j'aurais dû entretenir avec la nature.
Peut-être que tous ces picotements, ces douleurs, cette énergie qui circule a quelque chose à voir avec l'éveil d'un pouvoir dans les bois, je ne sais pas.
- Poser des questions sur ma mère. Je sais que mon père était paladin demi-elfe demi-tribu de l'ours, mais ma mère, celle qui vint un jour et qui repartit, est-ce que certains l'ont connue ? Est-ce qu'ils sauraient me dire qui elle était. Quel était son visage... Tu n'as jamais su répondre à ces questions, étrangement, comme si tu ne l'avais jamais vue.
- Répondre à l'appel du métal et de la création. Ces picotements, cette énergie, c'est peut-être tout simplement la magie qui bouillonne en moi et qui ne demande qu'à s'exprimer. Je vais demander aux druides si je peux avoir accès à une possibilité de feu magique pour tenter de réaliser un diadème ou une couronne un peu solaire pour Garresh, une serpe pour Silaque, un long couteau elfique pour Sélestiel, un petit dragon gravé pour Swify et une lame de meilleure qualité pour inciter Rayan à aller de temps en temps au contact.
Si j'ai le temps, j'aimerais bien avoir la possibilité de me forger la même arme qu'utilise Tyr, l'épée longue.
Tu vois, mon oncle, plus le temps passe, plus je regrettais de ne pas avoir assez de temps pour pratiquer le chant, la poésie ou la danse. Plus je découvre en fait que j'ai besoin de créer, de transformer, de comprendre le processus de création de quelque chose qui pourrait acquérir une légende ou de la magie. Peut-être parce que je suis une création moi aussi.
Les nuits sont douces, les arbres sont protecteurs, nul ombre ne vient peser sur nous, c'est la première fois depuis que j'ai rencontré mes compagnons que je me sens en sécurité. Je comprends pourquoi les druides protègent la forêt. Les arbres sont la cathédrale du vivant, mon oncle. Aucun édifice construit par l'homme ou même par la magie ne saurait égaler la beauté, la majesté et le fluide qui baignent les forêts primaires et pures.
Je dois te laisser mon oncle, les bruits et les échos de la forge résonnent déjà en moi, ma main me démange, mes genoux flagellent un peu sous la douleur de cette vague d'énergie que je ressens en moi et qui ne demande qu'à s'exprimer pour m'aider à devenir un homme plus grand encore.

mercredi 7 avril 2010

L'encre du sang

Ah mon oncle, encore une fois, dans les flammes, s'envolent les pensées.
Encore une fois, dans les cendres, s'inscrivent les vers récités.
Mais qui est donc cet Ashkor qui fit alliance avec les elfes voici une centaine d'années ?
Ce dragon, allié du seigneur Zorkin, maître des ténèbres ?
Nous avons trouvé des informations sur un lieu où il pourrait résider grâce à un dragon, alliés des nains et du roi Thorfin... Un beau dragon régnant sur un territoire de glace et laissant totalement en transe Swify le petit kobbold qui nous a rejoint. En transe, oui mon oncle. J'ai eu pas mal l'occasion de parler de lui du processus de la transformation, il semble penser qu'un jour il sera un dragon. En ceci, nous nous rejoignons lui et moi et j'ai décidé de l'accompagner, le soir, dans ses prières adressées à Bahamuth, le seigneur de tous les dragons.
Pourquoi l'accompagner, pourquoi le processus de transformation ?
J'ai trouvé des écrits de Yordan Sang de Lune, mon père. Le fruit de quinze années d'analyse et d'études sur sa condition de demi elfe et de changeur de peau, un processus de réflexion très poussé qui l'a amené à considérer que son don pour se changer en Ours était lié à la foi qu'il éprouvait pour Tyr et que cela semblait, de fait, une sorte de rétribution ou de bénédiction du Dieu manchot.
La sagesse est la voie de l'illumination. Il n'est pas forcément nécessaire que je devienne prêtre, mon statut de paladin semble suffisant pour cela. Mais c'est une quête qui peut prendre des mois ou des années, selon le cours des événements...
Très intéressant. C'est la récompense que j'ai demandée au roi du clan nain pour les avoir aidés : d'avoir une copie du carnet de mon père, trouvé dans leur bibliothèque. Ils m'ont offert gracieusement l'original.
Silaque, elle n'a rien demandé. Célestiel a demandé de parler à un dragon, ce qui fut fait. Swify, lui, a désiré un service dans le futur. Rayan, lui, je crois qu'il s'agissait plutôt de pouvoir se protéger contre l'acide. Quant à Garresh, il a plaidé pour la cause des ogres que nous avions sauvés du village des nains gris. Sur les sept ogres qui furent sauvés, deux se sont donnés la mort après avoir entendu les propositions de Garresh, un a préféré rester en prison et quatre ont accepté d'être éduqués par le seigneur Varrasq.
Ils sont restés maîtres de leur destin. Tout ce que désirait Garresh. Mais le vent se lève, mon oncle, les cendres sont si vite dispersées. Je te laisse quelques instants, avant de reprendre mes écrits, lorsqu'il sera mon tour de veiller sur notre petite bande d'aventuriers.

Je me réveille. Et tu sais quoi ?
Si je suis une aberration, de quoi sont fait mes songes ?
Si les part d'ange, d'elfe et de démon qu'il y a en moi n'ont pas besoin de repos, que font-elles pendant que la part d'humain et d'ours en moi tente de découvrir son futur ?
Je continue à frissonner en songeant à ce que je suis mon oncle. Mais que veux-tu... Peut-être "qu'aberration" n'est qu'un terme désignant un état magique et non pas une condition humaine en ce qui me concerne... Car si le quart de mon sang est elfe, de combien de sang de démon ou d'ange sont constitués les aasimars et les tieffelins. Même pas 2 % je suppose. Ce qui me laisse trois quart de sang humain. Ce qui me laisse me poser des questions sur le statut de cette femme que mon père a aimé.
Peut-être était-elle autre chose qu'une demi aasimar-tieffeline. Peut-être, oui.
Peut-être était-elle une récompense envoyée à mon père par Tyr, une récompense du même genre que sa compréhension de sa nature de métamorphe.
Mais passons, mon oncle, passons, je m'égare.
Je regarde swify, quelqu'un qui est sans doute appelé à un grand destin si ses aspirations se concrétisent. Et je songe que d'une certaine manière, il est peut-être plus proche de moi encore que Garresh.
Je regarde mes autres compagnons.
Rayan, je ne le cerne pas. Il a encore plus embrassé sa nature depuis qu'il est mort et qu'il est revenu sous la forme d'un satyre. C'est un compagnon fidèle mais je ne suis pas certain de sa loyauté indéfectible sur tous les sujets, quelque chose que j'aurais eu tendance à exiger d'un personnage comme lui alors que mes autres compagnons ne manifestent pas forcément également ce trait de caractère. Je crains également qu'il ne se sente un peu meurtri de ne pas être aussi efficace que d'autres en combat.
Célestiel, je lui ai dit voici deux jours qu'il n'avait pas à s'en faire pour Selaque. Je la lui "laissais". Je vois bien qu'il semble amoureux. Je vois aussi que Rayan semble sous le charme, mais c'est d'une autre nature, moins chaste, à mon avis. Célestiel a quelques problèmes de tempérance. Célestiel n'a pas de problèmes pour faire la guerre ou sa mission, par contre. De nous tous, c'est lui qui a tué le plus d'elfes. Et d'humains. Son cimeterre tueur d'humains a fait des ravages lors du dernier combat.
Garresh a une quête avec ses ogres. Bon, je lui souhaite de ne pas être victime de désillusions. Il y a quand même malgré tout une énorme empreinte du mal sur la race des ogres et des ogres mages. Il ne pourra que sauver les plus forts. Sauver la race des griffes des ténèbres est une quête qui relèverait à mon avis du niveau épique ou divin. Bien loin de ce que nous sommes.
Selaque, elle, bon... Elle a un problème, c'est sûr. Elle est sérieusement paumée. Avoir perdu rapidement deux compagnons animaux ne l'a pas aidée. Nous avons pu assister il y a quelques heures à une sorte de rite de contrition de notre druidesse en face de loups inquiets de la voir se trainer les fantômes de ses compagnons défunts. J'aimerais bien en apprendre plus sur la nature avec elle, mais c'est la nature humaine que je dois avant tout comprendre et essayer d'exploiter les qualités de chacun au mieux de leurs possibilités pour que le groupe fonctionne. Un peu comme si j'étais le ciment. Je crois avoir compris qu'elle avait été un peu perturbée par ma manière de manipuler Célestiel pour qu'il la suive dans la caverne du dragon de glace. Elle est totalement étrangère aux subtilités de la conversation ou de l'intrigue. J'espère qu'elle ne perdra pas son innocence mais que sa sagesse saura lui apprendre à un peu mieux connaitre le coeur des hommes.
Une poignée de terre dans ma main. Elle s'écoule comme les derniers jours qui viennent de se passer.
Je revois la montagne qui s'éloigne, la forêt et la cité qui se rapproche.
Je revois l'attaque de ces cavaliers sur des licornes noires. Il n'a pas été simple d'en garder un vivant ainsi qu'une de ces créatures. Mes compagnons n'ont pas mes scrupules en ce qui concerne le fait d'ôter la vie.
Je revois le prisonnier nous dire à quel point les elfes causent du tort à la cité qu'il défend depuis près d'un siècle. Une cité où des représentants du Thay ont été accueilli à bras ouverts. Le chef de cette cité a vraiment une dent contre les elfes et il en est réduit au point d'accepter des cultes ou des Eglises pas franchement saintes dans sa cité.
Je me revois comprendre avec Rayan qui m'avait accompagné dans la cité pendant que nos compagnons veillaient sur le prisonnier et la licorne noire survivante à quel point les choses ne sont pas simples. Ce n'est pas blanc ou noir. Les gens désespérés ont pris des mesures désespérées.
Les elfes sont l'ennemi pour eux et il n'était pas grand-chose que je pouvais faire à ce sujet.
Je revois la licorne invoquée par Selaque lui dire que non, la licorne noire ne pouvait être sauvée.
Je nous revois prendre notre chemin vers la forêt où sont les elfes et je revois les gardiens de cette forêt, les loups reprochant à Selaque la perte de ses compagnons.
Et je suis encore plus perdu.
Comment, pendant près d'un siècle, les gens peuvent se faire manipuler ?
Et je réfléchis un peu et je me dis :
Comment, pendant des millénaires et des millénaires, des peuples ou des races peuvent-ils rester sous le jougs du mal et de la terreur ?
Demain, nous pénétrerons dans une forêt habitée par de nombreux esprits ancestraux et sans doute des elfes dont le coeur ne cesse de saigner.
Selaque prendra certainement plus d'assurance car c'est elle, de nous tous, qui est la plus à l'aise dans la nature.
Demain, j'aurai certainement d'autres choses à te raconter, mon oncle.
Et tu sais quoi ?
Demain, j'essaierai de faire en sorte d'appliquer une des meilleures leçons de vie que tu m'aies donnée : que ça soit un jour encore meilleur que la veille.